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A Peacefull Traveler (A. Cupper & A. Rochette)
A Peacefull Traveler - A. Cupper/A. Rochette
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INTERVIEW

Extraits d'une interview réalisée en juin 2011 par Pierre Dulieu pour "Dragon Jazz"  à l'ocasion de la sortie de l'album "A peaceful Traveller"

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- Votre nouvel album "A peaceful Traveller" est sorti en juin 2011. Comment l'idée de former un duo Baryton/Piano, et donc de vous passer de rythmique, vous est-elle venue à l'esprit ? 

 

Alain Cupper : J'aime beaucoup cette formule. Le duo est plus difficile et paradoxalement, d'une certaine façon, moins contraignant que le quartet ou le quintet et offre une certaine liberté.  Il est un peu au jazz ce que la musique de chambre est au classique. J'avais déjà travaillé avec Alain Rochette dans différents contextes et l'idée de jouer en duo avec lui me trottait en tête depuis longtemps. (...)

 

- Le son d’ensemble est magnifique et rend justice aux deux instruments. Lors de l’enregistrement, quelles ont été les difficultés particulières à résoudre aux plans musical et technique, et notamment en matière de compatibilité sonore entre vos deux instruments ? 

      

(A.C.) Je pense qu'un des défis de ce concept est de parvenir à dire le maximum de choses dans un temps et un format limités et cela en gardant l'intérêt et l'attention.  La sonorité et le registre du saxophone baryton me conviennent parfaitement mais sont à gérer différemment que ceux d'un ténor ou d'un alto par exemple, l'instrument est naturellement moins "chantant", Au baryton on peut vite paraître lourd et devenir lassant. Rythmiquement et harmoniquement il faut s'adapter et trouver sa place, jouer avec les nuances, c'est vrai en quartet ou en grande formation mais c'est encore plus délicat en duo.  Pour cet enregistrement, nous avons travaillé avec un ingénieur habitué à capter des formations classiques ou des ensembles de musique baroque avec instruments anciens. Il a placé avec soin et précision un couple de micros entre le piano et le sax pour capter le son d'ensemble et restituer la sonorité "life" afin de respecter l'intimité musicale, l'esprit du dialogue et la chaleur naturelle des instruments.

 

- Quand on compose ou que l’on improvise, les influences de ce qu’on a écouté jadis remontent immanquablement à la surface. Dans votre cas, quels sont les maîtres du jazz qui vous ont le plus fortement marqué dans votre parcours personnel ?

 

(A.C.) J'ai beaucoup écouté et analysé les grands du baryton, ceux qui ont fait l'histoire de l'instrument, comme Pepper Adams, Leo Parker, Mulligan, Bob Gordon, Cecil Payne, Serge Shaloff ou bien-sur Harry Carney, ainsi que les contemporains comme Gary Smulyan, Ronnie Cuber, Nick Brignola, Glenn Wilson ou Xavier Richardeau. Mais j'ai écouté aussi avec attention des saxophonistes baryton moins connus, c'est une petite confrérie et chaque voix est intéressante. Tous ces musiciens m'ont apporté quelque chose, même si je n'ai jamais cherché à les imiter. Dans l'optique de ce projet, j'ai également écouté et partagé avec Alain, des albums de duo sax/piano. Il y a des disques merveilleux : "People Time" de Getz et Barron, "Tête à Tête" de Art Pepper et George Cables, "Warm Moods" avec Bill Perkins au baryton et Frank Strazzeri au piano, Il y a ce disque magnifique de George Coleman avec Richie Beirach "Convergence" et tant d'autres ! Ce serait long et fastidieux de citer tous les enregistrements qui m'ont inspiré. Le jazz est une musique basée essentiellement sur l'écoute !

 

- Le répertoire de "A Peaceful Traveller" comprend à la fois des standards et des compositions personnelles : dans quel type de musique vous sentez-vous le plus à l'aise pour improviser et imposer votre propre style ?

 

(A.C) J'aime beaucoup composer et j'ai toujours pensé que c'est dans mes compositions que ma personnalité est la plus exacerbée. Par ailleurs, les standards ne sont pas des standards pour rien, Ils ont ce "petit quelque chose" de magique qui en font un terrain idéal pour que chacun puissent s'exprimer. De plus il y a en jazz un répertoire tellement vaste qu'on peut toujours y trouver son bonheur et certains standards semblent avoir été écrits pour vous. Il y a aussi l'ambiguïté du  "problème" de la référence, je veux dire que si vous jouer "Body and soul" par exemple, il y a tellement de versions différentes que "à quoi bon" donner une version de plus et paradoxalement,  c'est justement cette abondance de références qui peut enrichir votre propre interprétation. Au final je dirais que les deux options me conviennent : compos personnelles et standards - mais que je m'amuse encore plus sur un standard.   

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- Vous êtes également professeur de musique. Mais-vous-mêmes, quelles formations, académiques ou non, avez-vous suivies et quels ont été vos enseignants ? Et pourquoi vous êtes-vous orientés vers le jazz ?

 

(A.C.) J'ai étudié en académie, puis je me suis tourné vers le jazz d'abord avec des stages et des cours privés,  puis trois années au "Jazz studio" à Anvers. J'étais dans la même classe qu'une génération de Jazzmen belges : Bo Van der Werf, Laurent Blondiau, Nick Thys ou Manu Hermia. J'ai eu l'occasion d'étudier avec plusieurs excellents musiciens : John Ruocco, Joe Lovano, Pierre Vaiana, Marcel Lenoir, Erwin Van... pour ce qui est du baryton proprement dit, j'ai pu approcher des spécialistes de l'instrument comme Jean-Pierre Gebler, Toon Vandeghein, Johan Vandendriessche ou Garry Smulian.  Je m'intéresse à tous les styles de musique,  j'écoute du Classique, de la Soul, du Klezmer, du Tango, du Flamenco... dans le cadre des cours que je donne je suis confronté à beaucoup de cultures musicales différentes. Mais je suis particulièrement attiré par le Jazz. Il me semble que c'est dans cette musique que je peux vraiment m'exprimer. Même si je suis né en Belgique et que le Jazz est essentiellement "Afro-Américaine",  je me sent très concerné et très imprégné par cette musique.

 

- Fait-on parfois appel à vous, en tant que spécialistes de votre instrument, pour des enregistrements de Rock ou de Variété ou encore pour accompagner sur scène des artistes "non Jazz"  ?

 

(A.C.) Il y a un temps, je courrais partout où je pouvais pour souffler dans mon "tube" et la confrontation avec différents styles musicaux m'intéressait beaucoup. J'ai donc eu l'occasion de me produire ou d'enregistrer avec pas mal de formations "non Jazz" mais je n'ai plus trop le temps pour cela et je préfère me concentrer sur ce que je considère comme "ma musique".

 

- Vous avez fait un séjour prolongé dans un pays africain. Comment percevez-vous la fusion du Jazz et de la musique Arabe et/ou Africaine qui est au cœur d'une multitude de projets métissés intéressants ?

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(A.C.) Je suis resté presque trois années à Dakar au Sénégal. Je travaillais avec un quartet de Jazz et nous jouions tous les soirs de la semaine dans des clubs et des hôtels, et le samedi nous faisions le début de soirée dans un resto. Puis de minuit à quatre heure du matin nous étions engagés dans un Jazz-club et le dimanche on jouait pour le brunch dans un hôtel et cela pratiquement sans arrêt durant plus de deux ans. C'est, de nos jours,  une situation impensable ici en Belgique. J'ai aussi joué là-bas en section de cuivre pour "Lemzo Diamono" un groupe de M'balag qui est la musique typique du Sénégal. Avec le groupe de Jazz nous jouions des standards mais aussi nous adaptions des chants traditionnels sénégalais. Le Jazz à évidemment des racines en Afrique et il est légitime que des musiciens Jazz aient envie de faire un voyage musical vers ce continent. Il y a des projets vraiment intéressants et quand les musiciens sont bons et honnêtes dans leur démarche, cela donne souvent des concepts captivants. De toutes façons le Jazz est par aisance une musique métissée qui se nourrit d'autres musiques et qui évolue de la rencontre avec différentes cultures.  Pour ma part, il y a quelques années,  j'ai aussi été tenté par l'aventure mais ce n'est plus d'actualité. Mon épouse est d'origine congolaise et nous avons trois enfants, je passe souvent des soirées avec des amis ou de la famille dans une ambiance "africaine",  je vis ce mixage culturel au quotidien. Je pense que ce qu'il me reste de tous ces voyages et ces rencontres, c'est plus une  façon d'aborder la musique et de concevoir mes compositions, qu'une évidente étiquette "musique fusion".

 

Intégral de l'interview sur : www.dragonjazz.com

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